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Grondeur de Brueys et Palaprat. Il y a deux autres lecteurs encore, M. Dubois d’Avesnes et M. Henri Trianon, que j’ai le regret de n’avoir pu aller écouter. Ce que j’ai entendu a suffi toutefois pour m’édifier sur l’état présent des choses. J’ai causé d’ailleurs avec quelques-uns de ces hommes distingués qui s’honorent du simple titre de lecteurs, et, à mon tour, je me permettrai de discourir un peu sur ce sujet, en soumettant mes idées aux leurs et en me hâtant de reconnaître que je leur emprunte beaucoup à eux-mêmes dans ce que je vais exprimer.

Ce qu’il y a de particulier à ce genre d’enseignement indirect, c’est d’être une lecture et non une leçon ; c’est que le maître ne paraisse point, qu’il n’y ait point de maître à proprement parler, mais un guide qui devance à peine et fasse avec vous les mêmes pas. « Il ne s’agit point, disait le Programme primitif, de faire un Cours de littérature ni une rhétorique française, ni des leçons d’esthétique, mais simplement une série de lectures. Une lecture bien faite porte son commentaire avec soi. » Cette dernière observation est vraie, moyennant quelque amendement toutefois. J’admets très-bien la limite établie entre la lecture et la leçon ; je crois pourtant qu’on peut aller assez loin en explications, en commentaires, sans que la lecture cesse d’en être une. Le commentaire est dans le ton sans doute, mais pourquoi ne serait-il pas aussi dans une parenthèse rapide, jetée en courant, qui n’interrompt rien et qui accélère l’intelligence ?

J’irai plus loin, et, d’après ma très-courte expérience de professeur, voici ce qui m’a semblé. Suivant moi, à part les Cours tout à fait supérieurs et savants, tels que je me figure ceux du Collège de France ou des Facultés, les leçons de littérature, pour être utiles et remplir leur véritable objet, doivent se composer en