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intérêts politiques modernes, sur tant de mobiles qui menaient les hommes de son temps, et qui n’ont pas cessé de mener ceux du nôtre. Ce qui semble naïveté chez eux n’est qu’une grâce et une fleur de langage qui orne leur maturité, et d’où leur expérience, si consommée qu’elle soit, prend à nos yeux je ne sais quel air de nouveauté précoce, qui la rend agréable et piquante, et qui l’insinue. On se figure volontiers la sagesse en cheveux blancs et la prudence en cheveux gris ; ici, elles se montrent plutôt avec un sourire, avec un parler jeune et plein de fraîcheur.

L’Édition que j’annonce est une occasion toute naturelle de relire Commynes. Cette Édition, publiée sous les auspices de la Société de l’Histoire de France, n’est pas seulement meilleure que celle qu’on possédait jusqu’ici, elle est la seule tout à fait bonne, digne d’être réputée classique et pour le texte que l’éditeur a restitué d’après une comparaison attentive des manuscrits, et pour les noms propres dont un grand nombre avaient été défigurés et qu’il a fallu rétablir, et pour les notes exactes et sobres qui éclaircissent les endroits essentiels, enfin pour la biographie de Commynes lui-même, laquelle se trouve pour la première fois complétée et éclaircie dans ses points les plus importants. La reconnaissance augmente quand on pense que tant de bons offices, dont l’éminent historien est l’objet, sont dus à une femme. L’Académie des Inscriptions a reconnu ce mérite solide et modeste en décernant à Mlle  Dupont la première médaille dans la série des travaux concernant les antiquités de la France. Les lecteurs, qui liront désormais Commynes avec plus de plaisir et de facilité, y mêleront un sentiment d’estime pour l’excellent éditeur.

« Au saillir de l’enfance, dit Commynes (nous dirions