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digieusement d’idées, de vues, d’observations, bien plus sans doute que dans le même nombre de pages de Quintilien ou de Longin ; mais il y a aussi du bel-esprit. Je serais assez embarrassé peut-être de le dénoncer du doigt dans un endroit précis, mais il est répandu partout dans l’ensemble. Le titre seul de certains chapitres est déjà une épigramme ; ces chapitres, commencés avec gravité, finissent souvent en pointe. Il suffirait d’y ajouter un certain accent, pour avoir positivement du persiflage. Il y a, en tout cas, un cliquetis de rapprochements. Voilà comment, avec des parties hautes, sérieuses, éloquentes, M. Saint-Marc Girardin est lui-même essentiellement moderne.

Là où il me paraît tout à fait à l’aise et dans le milieu qui lui est propre, sans effort, avec une bonne grâce et une mesure de ton tout à fait naturelle, c’est quand il parle de la comédie, surtout de la comédie moyenne. Il a de la gaieté dans l’esprit, il a du léger et du plaisant ; il sait toutes les finesses du cœur et les nuances de la société. Il a écrit, à propos d’une comédie de Collé et de la Métromanie de Piron, des pages charmantes, délicates, que je prise bien plus comme témoignage vrai de son talent que d’autres plus saillantes et où il élève la voix. Ce sont de petits chefs-d’œuvre de critique modérée. Il a aussi, dans l’ordre de critique morale, de fort belles pages, comme quand il commente la parabole de l’Enfant prodigue, en la rapprochant des pères de Térence. M. Saint-Marc Girardin aime à tirer de l’Écriture des exemples ou des maximes de morale, et il en assaisonne à ravir son enseignement. Je n’ai vu personne entendre si bien saint Paul parmi ceux qui goûtent si bien Collé.

L’influence de M. Saint-Marc Girardin sur la jeunesse a été réelle, et elle mérite d’être notée. Ennemi de l’en-