Tout se réunissait au même moment pour exciter et passionner l’intérêt public autour du cercueil de l’actrice tant aimée. Le curé de Saint-Sulpice, Languet, refusa de la recevoir en terre sainte. Elle avait fait un legs considérable pour les pauvres de sa paroisse : « Soyez tranquille, disait-elle, le jour de sa mort, à un vicaire qui venait la visiter ; je sais ce qui vous amène, monsieur l’abbé ; je n’ai point oublié vos pauvres dans mon testament. » On ajoute, il est vrai, que, se retournant vers un buste du comte de Saxe, elle s’était écriée :
M. de Maurepas écrivit au lieutenant de police que
l’intention du cardinal de Fleury n’était point d’entrer dans
cette affaire de la sépulture ecclésiastique, mais de s’en
rapporter à ce que feraient l’archevêque de Paris et le
curé de Saint-Sulpice : « S’ils persistent à la lui refuser
comme il y a apparence, écrivait-il, il faudra la faire
enlever la nuit et enterrer avec le moins de scandale
que faire se pourra. » Le corps fut donc enlevé de nuit
dans un fiacre ; deux portefaix guidés par un seul ami,
M. de Laubinière, allèrent l’enterrer dans un chantier
désert du faubourg Saint-Germain, vers l’angle sud-est
actuel des rues de Grenelle et de Bourgogne. Le fidèle
d’Argental, nommé légataire universel, ne crut pas
compromettre son caractère de magistrat en acceptant cette
mission de confiance, et il s’honora par là dans l’opinion.
Ce legs, en réalité, n’était qu’un fidéicommis :
Mlle Le Couvreur laissait deux filles à pourvoir.
Voltaire eut un de ces élans de douleur et de sensibilité comme il en était si capable, et il laissa échapper les vers touchants qu’on sait par cœur :
Sitôt qu’elle n’est plus, elle est donc criminelle !
Elle a charmé le monde, et vous l’en punissez....