cipes indubitables de l’expérience. Ceux qui ne sortent pas d’eux-mêmes sont tout d’une pièce… » M. Saint-Marc Girardin pratiqua, pour son propre compte, ce conseil si juste, et prêcha d’exemple. Par sa parole vive, souple, déliée, il allait chercher l’esprit de ses auditeurs, l’attirait à lui, l’engageait à se développer librement, naturellement, sans faux pli et sans boursouflure. Le moment où il commença à parler était celui où la retraite des trois éloquents professeurs, MM. Guizot, Cousin et Villemain, faisait comme un grand silence. Il y avait deux manières de rompre ce silence. L’une en parlant haut et en déclamant, l’autre en venant causer sans apparat et sans prétention. L’habileté, la prudence, le bon goût, tout conseillait ce dernier parti ; en le suivant, M. Saint-Marc Girardin obéissait de plus à sa nature.
Il a l’esprit, le cœur naturellement modérés, et je ne lui ai jamais vu de passion. C’est un grand profit et une grande avance dès la jeunesse. Pascal, en son temps, remarquait que « c’est un grand avantage que la qualité (la naissance) qui, dès dix-huit ou vingt ans, met un homme en passe d’être connu et respecté comme un autre pourrait avoir mérité à cinquante ans : ce sont trente ans gagnés sans peine. » Je ne sais si cela a cessé d’être vrai aujourd’hui qu’on se flatte d’avoir aboli les distinctions de naissance ; il me semble que les fils de personnages considérables, que les noms historiques, ne laissent pas d’avoir encore au moins dix ans d’avance sur les autres au début de la carrière. Eh bien ! en ce qui est des choses de l’esprit et de l’expérience, n’avoir point de passion dans sa jeunesse, cela donne dix ou quinze ans d’avance pour la maturité. Les passions exagèrent la vue des choses, même pour les meilleurs esprits ; elles détournent, elles amusent ; on a du juge-