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ventaire ? Voilà un pronostic que j’essaie en vain d’écarter. Oui, je crains par moments que le maître, avec son magnifique style, ne mette les colonnes du Parthénon comme façade à une école de Byzantins.

Je crois l’entendre d’ici me répondre que cette pente où l’on va est une loi fatale pour toute littérature qui a beaucoup duré et qui a eu déjà plusieurs siècles de floraison et de renaissance ; qu’en attendant il faut tirer de chaque âge le meilleur parti possible, lui demander l’œuvre à laquelle il est le plus propre, et que, d’ailleurs, nous n’en serons pas de sitôt pour cela à l’école de Byzance, que nous n’en sommes qu’à celle d’Alexandrie. Mais, encore une fois, ma remarque n’intéresse que les disciples et non le maître.

Son grand style, à lui, couvre tout et rehausse tout. Quel est le rapport exact du style de M. Cousin et de celui de M. Villemain ? En quoi les deux manières se rapprochent-elles et diffèrent-elles ? J’oserai d’autant plus les comparer, qu’ici je n’aurai réellement pas à conclure, et que, tout balancé, je ne puis qu’admirer des deux parts sans incliner à une préférence. Le style de M. Cousin a l’air plus grand ; il a la ligne plus ouverte, le dessin plus large ; il se donne à première vue plus d’horizon. Mais il est de certains détails dont il ne tient pas compte et qu’il néglige. Comme les statuaires, il choisit son point de vue et y sacrifie le reste. Le style de M. Villemain, large et fin, avance comme un flot ; il ne laisse aucun point de la pensée sans l’embrasser et la revêtir. Il est tout varié de nuances, de rencontres imprévues, d’expressions trouvées. S’il trahit par endroits un peu d’inquiétude et d’incertitude, dès qu’il est dans le plein du sujet il devient tout à fait grave et beau. J’ai pour idée que l’on est toujours de son temps, et ceux-là mêmes qui en ont le moins l’air. Le style de