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la philologie française, et il l’a passionnée en naissant.

Grâce à lui désormais, une foule de détails qui semblaient du ressort exclusif des bibliographes et des éditeurs, et dont ces derniers ne faisaient qu’un usage très-borné et très-aride, ont pris un sens et une vie qui les rattache à l’histoire littéraire. Nous apprenons à mieux pénétrer les secrets de composition de nos grands auteurs. Les diverses phases par lesquelles la prose a passé depuis la fin du xvie siècle s’éclairent avec précision ; les moindres variations de régime dans les formes et les vogues successives du langage viennent se fixer avec une sorte de méthode et de rigueur, non-seulement par l’étude de quelques écrivains célèbres, mais aussi par celle de beaucoup d’écrivains secondaires et pourtant agréables, auxquels on avait peu songé. En un mot, la confection et la constitution de la prose française depuis deux siècles est mise dans tout son jour.

Parmi les écrivains témoins de la langue, M. Cousin s’est attaché de prédilection à une classe de témoins d’autant plus sûrs qu’ils le sont avec moins de préméditation et comme à leur insu. Je veux parler des femmes qui ont écrit, et il en est un grand nombre qui remplissent la seconde moitié du xviie siècle et la première partie du xviiie. Dans sa belle bibliothèque qu’il enrichit chaque jour, M. Cousin a pris à cœur de recueillir les moindres opuscules de ces femmes plus ou moins célèbres, leurs petits romans ou nouvelles, leurs lettres publiées ou inédites. On n’a pas oublié les ravissantes pages qu’il a misés en tête de son étude sur Jacqueline, sœur de Pascal ; il y a tracé avec amour tout un projet de galerie brillante, « Accomplirai-je jamais, dit-il, cette idée d’une galerie des femmes illustres du xviie siècle ? C’est du moins un rêve qui sert de délassement à mes travaux, de charme à ma solitude. Je rassemble,