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ferait en matière d’archéologie. Cette qualification d’anciens appliquée aux Pascal et aux Racine, qui, dans notre bouche, à nous autres, pouvait ressembler à une épigramme et à un blasphème, est devenue, de sa part, un hommage et une piété. Nul mieux que lui n’avait mission, en effet, pour s’éprendre de la langue du grand siècle et pour la revendiquer comme sienne : il est certainement, de tous les écrivains de nos jours, celui qui en renouvelle le mieux les formes, et qui semble sous sa plume en ressusciter le plus naturellement la grandeur. M. Cousin eut de bonne heure un double instinct, une double passion presque contradictoire. Il est homme à s’occuper des textes, à rechercher des manuscrits, à s’intéresser à des scholies et à des commentaires, à les transcrire jusqu’au dernier mot, à ne faire grâce à lui ni aux autres d’aucune variante ni d’aucune leçon ; et, tout à travers cela, il s’élève, il embrasse, il généralise, il a des conceptions d’artiste et des verves d’orateur. Nous avions affaire à un texte poudreux et subtil, à quelque obscur parchemin à déchiffrer, et tout à coup nous voyons se dresser une statue. Tant qu’il ne se donnait pour sujet que Proclus ou même Platon, cela nous touchait moins ; mais la méthode nous est devenue très-sensible depuis que nous l’avons vue appliquée à Pascal, à la sœur de Pascal, à Jean-Jacques Rousseau, à Mme de Longueville. Il avait l’air d’abord de ne vouloir donner que des textes plus corrects, quelques lettres ou papiers retrouvés au fond des bibliothèques, et voilà qu’il a fait apparaître, dans toute leur hauteur, de grandes figures, ou qu’il a ranimé avec feu des physionomies charmantes. Tel est le talent et l’art de M. Cousin. En restaurant le texte altéré des éditions de Pascal, et en montrant qu’un travail analogue est à faire sur presque tous nos auteurs classiques, il a créé ce qu’on peut appeler