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M. Villemain nous avertit tout d’abord et nous conseille, par son exemple, d’être du petit nombre de ceux-là. Lui, si doué de la nature, il ne s’y confie pourtant que jusqu’à un certain degré. À la première expression, toujours si prompte chez lui et si vive, il sait joindre l’expression méditée, et aux brillantes rapidités de la parole il substitue insensiblement la perpétuité du style. Il a donc revu ses anciens Cours, les a complétés et singulièrement enrichis dans le détail. Il a distribué aussi ses Mélanges littéraires dans un ordre plus méthodique et les a assortis d’une façon agréable. Mais, dans cette Collection que nous avons sous les yeux, il est deux parties, entre autres, qui méritent d’être distinguées et recommandées par-dessus tout : ce sont les quatre volumes qui traitent du xviiie siècle, et aussi le volume considérable qui nous offre le tableau de l’Éloquence chrétienne au ive siècle.

Je ne sais pas de lecture plus intéressante, parmi les lectures sérieuses de notre âge, que celle de ces quatre volumes sur le xviiie siècle, tels qu’ils s’offrent à nous dans leur rédaction définitive. Il y reste de la parole première une sorte de mouvement général, la facilité et le courant ; mais le style a désormais toute la précision et tout le fini que les plus curieux peuvent souhaiter ; la pensée sur chaque point a sa solidité et sa nuance. On y est conduit sans interruption depuis les premiers pas un peu timides de La Motte et de Fontenelle, à travers les conquêtes et les hardiesses triomphantes de leurs successeurs, jusqu’à l’entrée en scène de Mme  de Staël et de M. de Chateaubriand, qui viennent clore pour nous cette grande époque où régna Voltaire. L’écrivain s’y est donné tout développement dans l’intervalle, et ne s’est refusé aucune des excursions ou des vues qui pouvaient agrandir son sujet et l’éclairer. On y