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Que sait-on de la vie d’Hamilton ? Bien peu de chose[1]. Il naquit, dit-on, vers 1646, auquel cas il serait un peu plus jeune peut-être que La Bruyère, et un peu plus vieux que Fénelon. Il était à la fleur de l’âge dans cette Cour de Charles II, qu’il nous a si vivement décrite ; mais les Hamilton dont il parle sont ses frères, et il ne s’y donne à lui-même aucun rôle. Quelque rôle qu’il pût y prendre, il eut avant tout celui d’observateur. Doué d’un sentiment vif des ridicules et du tact social le plus pénétrant, il démêlait les moindres nuances, et les fixait d’un trait léger, ineffaçable. Il ne fait pas difficulté de convenir qu’il se divertissait volontiers aux dépens de ceux qui le méritaient. Venu en France à la révolution de 1688, à la suite de son roi légitime, il y vécut dans le meilleur monde, se dédommageant des ennuis de la petite Cour dévote de Saint-Germain par des séjours chez les Berwick et chez les Grammont. Il faisait des couplets dans le goût de Coulanges ; il écrivait à ses amis des lettres en prose entremêlée de vers dans le goût de Chaulieu. Il était lié avec celui-ci, il hantait les Vendôme et la société du Temple. On le voit recherché à Sceaux, où la duchesse du Maine tenait cour plénière de bel-esprit. Dangeau lui écrivait, à propos d’une lettre à Berwick qu’on trouvait remplie de délicates louanges : « Elles ont été du goût de tous les honnêtes gens qui sont à Marly. »

Mais ce genre de vogue ne l’aurait mené qu’à être apprécié de ses amis et des sociétés qu’il égayait, et ne lui aurait pas même procuré une physionomie distincte

  1. On peut lire un agréable article sur Hamilton au tome II de l’Histoire de la Littérature française à l’étranger, par M. Sayous, 1853. Malgré toutes les recherches de l’ingénieux auteur, ce sont encore des vues critiques plutôt que des faits nouveaux.