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prit la peine de les combattre ; il me parla en homme de goût qui sent la littérature, et en homme d’esprit qui connaît son public. Il me donna enfin des raisons qui me convainquirent. Ce qu’il m’offrait me parut possible, et dès lors, lui aidant et le Constitutionnel s’y prêtant en toute bonne grâce, j’entrai en matière résolûment.

Au fond, c’était mon désir. Il y avait longtemps que je demandais qu’une occasion se présentât à moi d’être critique, tout à fait critique comme je l’entends, avec ce que l’âge et l’expérience m’avaient donné de plus mûr et aussi peut-être de plus hardi. Je me mis donc à faire pour la première fois de la critique nette et franche, à la faire en plein jour, en rase campagne.

Depuis vingt-cinq ans déjà que j’ai débuté dans la carrière, c’est la troisième forme que je suis amené à donner à mes impressions et à mes jugements littéraires, selon les âges et les milieux divers où j’ai passé.

Au Globe d’abord, et ensuite à la Revue de Paris, sous la Restauration, jeune et débutant, je fis de la critique polémique, volontiers agressive, entreprenante du moins, de la critique d’invasion.

Sous le règne de Louis-Philippe, pendant les dix-huit années de ce régime d’une littérature sans initiative et plus paisible qu’animée, j’ai fait, principalement à la Revue des Deux Mondes, de la critique plus neutre, plus impartiale, mais surtout analytique, descriptive et curieuse. Cette critique pourtant