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une provocation en duel. Vous me demandez de désigner deux amis pour régler de concert avec vous et une autre personne ce que vous voulez bien appeler « cette pénible affaire. » Permettez que j’y mette, selon mon habitude, un peu de réflexion et de lenteur. Je n’accepte pas aussi couramment qu’on semble le supposer cette jurisprudence sommaire qui consiste à étrangler une question et à supprimer un homme en 48 heures. Je vous avouerai même très-franchement que dans les nombreux amis du dévouement desquels je dispose, je n’en ai pas sous la main ni deux ni un seul qui sache ces choses des armes ; mes amis, en général, savent les choses de la pensée, de la plume et de la parole, ce qui ne veut pas dire qu’ils soient moins fermes ou moins gens d’honneur pour cela ; mais ils ne sont pas docteurs ès armes. J’aurais, en tout état de cause, à consulter surtout ceux qui défendent l’idée et la cause même que je défends, et qui savent les moyens et les armes qui y conviennent. Cette affaire, d’ailleurs, est claire comme le jour, et tous en possèdent les éléments : elle est de celles qui me paraissent devoir se traiter uniquement par voie de discussion, d’opinion librement contradictoire et de publicité. Je ne la crains pas pour ce que j’écris en ce moment.

« Veuillez agréer, monsieur le baron, l’assurance de ma considération respectueuse.

« Sainte-Beuve. »

M. le baron de Heeckeren écrivit de nouveau à M. Sainte-Beuve, à la date du mercredi 3 juillet, qu’il avait espéré que, pendant les quarante-huit heures écoulées, M. Sainte-Beuve lui aurait désigné les deux amis avec lesquels M. de Reinach et lui seraient entrés en rapport, ce qui l’aurait dispensé d’avoir à lui adresser en communication une lettre nouvelle de M. Lacaze sur le même sujet. Cette lettre de M. Lacaze n’étant point adressée directement à M. Sainte-Beuve, mais à M. de Heeckeren, M. Sainte-Beuve laisse à ces messieurs le soin de la publier[1]. M. Sainte-Beuve a répondu alors directement à

  1. Le journal La France, du 9 juillet, ayant publié les lettres que lui a communiquées M. de Heeckeren, on croit devoir les joindre ici. Voici donc la seconde lettre de M. de Heeckeren à M. Sainte-Beuve :
    « Paris, ce 3 juillet 1867.
    « Monsieur le sénateur,

    « J’avais espéré que pendant les 48 heures qui se sont écoulées depuis la réponse que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser en date du 1er juil-