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de garantir tous les intérêts moraux, d’abriter toutes les craintes même et les délicatesses des consciences, mais aussi de réserver tous les droits sérieux et légitimes issus de la Révolution, il y eût un accord aussi surprenant contre cette classe plus ou moins nombreuse qu’on n’appelle qu’en se signant les libres penseurs, et dont tout le crime consiste à chercher à se rendre compte en matière de doctrines. Le propre et l’honneur de l’Empire est de maintenir la balance égale et de ne verser d’aucun côté. Si rassurer et consoler les intérêts et les instincts conservateurs est une partie essentielle de sa tâche, ne pas déserter, ne pas laisser entamer les droits acquis par la Révolution, ses conquêtes morales, est une partie non moins essentielle, plus essentielle encore (s’il était possible) de sa vie.

En un mot, l’Empire a une droite et une gauche ; à gauche est le cœur.

Messieurs, j’ai abusé de votre patience, mais j’ai fini. De toutes les paroles qui m’ont assailli dans une autre circonstance et dont je n’ai gardé aucun amer souvenir, une seule, je vous l’avouerai, m’est restée sur le cœur. Un homme, qu’après cette parole proférée, puis consignée au Moniteur, je ne crois point devoir appeler mon collègue, s’est oublié au point de dire en m’apostrophant : « Ce n’est pas pour cela que vous êtes ici. » (Oui, monsieur Lacaze, vous avez dit et vous n’ayez pas rétracté cette parole que, par respect pour le lieu où nous sommes, je me contenterai d’appeler peu séante.) (Rumeurs.)

Plusieurs sénateurs. Il a bien fait !

M. le Président. Les personnalités sont interdites par le règlement, veuillez vous en abstenir.

M. Lacaze. Je ne réfracte pas ces paroles du tout… Je trouve que vous les relevez bien tard.

M. Sainte-Beuve. Je n’insiste pas, monsieur le Président. Je croyais qu’il m’était permis de me défendre.

M. le Président. Je vous ai fait remarquer que ce sont des

    ment qu’on vienne dire à ces individus qu’ils sont mauvais citoyens ? » (Lettre à Fouché, du 4 avril 1807.) ? — Aujourd’hui qu’on n’est plus sous un régime de répression, on ne demande pas qu’il soit interdit d’accuser, mais on demande qu’il soit permis de répondre.