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sur la montagne où j’ai conçu en mon esprit le présent ouvrage, un séraphin lui apparut portant six ailes et attaché à une croix, selon que nous l’avons appris en ce lieu d’un de ses compagnons qui était alors avec lui. Il passa en Dieu par le transport de sa contemplation, et il devint un modèle du contemplatif parfait, comme il l’avait été auparavant de l’homme voué à la vie active. Comme un autre Jacob il fut changé en Israël, Dieu voulant ainsi inviter, plus par son exemple que par sa parole, les hommes vraiment spirituels à tenter un pareil passage, à s’avancer vers de tels ravissements.

Or, ce passage, s’il est parfait, doit laisser derrière lui toutes les opérations de l’intelligence, transporter en Dieu et transformer en lui sans réserve toute l’affection de la volonté. Mais c’est là une faveur mystérieuse et secrète que nul ne connaît si ce n’est celui qui la reçoit, que nul ne reçoit s’il ne la désire, et qu’on ne saurait désirer sans être embrasé jusqu’en ses profondeurs par le feu de l’Esprit-Saint que Jésus-Christ a envoyé à la terre. Voilà pourquoi l’Apôtre nous dit que cette sagesse mystérieuse a été révélée par l’Esprit-Saint[1]. Puis donc que la nature ne peut rien et la science que peu de chose pour conduire là, il faut peu donner aux recherches et beaucoup à l’onction, peu à la langue et beaucoup à la joie intérieure, peu à la parole, à l’écriture et tout au don de Dieu, à l’Esprit-Saint, peu ou rien à la créature, mais tout à la substance créatrice, au Père, au Fils et

  1. I Cor., 2.