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loisir, commencé une guerre plus funeste au repos de la France que toutes celles qu’il venoit d’achever ! Nous voici arrivés à cette époque à jamais honteuse et déplorable de la vie de Louis XIV.

C’étoit Colbert qui tenoit le premier rang dans ces jours brillants de la paix. Sous sa main habile, méthodique, et que soutenoit cette volonté si ferme et si redoutée de son maître, se perfectionnoit de jour en jour la science de l’administration centrale, s’étendoit et se fortifioit la dynastie héréditaire des commis et la toute-puissance des bureaux[1]. Sans rivaux dans cette science toute matérielle, ce ministre étoit hors d’état de porter sa vue au

1 Les commis devinrent les maîtres de l’État, non pas au degré où ils le sont aujourd’hui, ce qu’alors on n’eût pas même cru possible, mais assez pour éteindre toute émulation, et créer partout des mécontents. En effet, rien de plus insensé pour un prince que de vouloir tout tenir dans sa main, tout régler, tout diriger, ne rien abandonner, dans les détails, à l’intelligence et à la conscience des administrateurs civils ou des chefs militaires. Du moment que l’orgueil ou la méfiance lui ont inspiré de mettre à exécution un semblable projet qui est au dessus des forces d’un seul homme, les subalternes s’emparent de lui, et, bien loin de tout conduire, il devient entre leurs mains un instrument au moyen duquel ils oppriment, insultent et dépouillent qui il leur plaît, comme il leur plaît, et dans toutes les classes de la société. Ainsi se trouve avili un gouvernement despotique en même temps qu’il devient odieux, ce qui est surtout vrai dans les sociétés chrétiennes où l’intelligence de l’homme acquiert son plus grand développement et oppose une plus grande résistance aux excès du pouvoir.