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frant des tableaux qui devoient émouvoir fortement un peuple ignorant et dévot, et par intervalles, des morceaux écrits avec une grâce naïve, qui pouvoient satisfaire même les personnes d’un goût délicat. Les vraisemblances n’étoient pas plus ménagées pour les yeux que pour les oreilles : la décoration du théâtre restoit toujours la même depuis le commencement jusqu’à la fin ; tous les acteurs paroissoient à la fois, quelque nombreux qu’ils fussent, et une fois qu’ils étoient entrés sur la scène, n’en sortoient plus qu’ils n’eussent achevé leur rôle, ce qui semble d’abord impossible, si l’on n’a pas quelque idée de la construction de ce théâtre. L’avant-scène y avoit à peu près la même forme que dans nos théâtres actuels, mais le fond en

    Sainte Anne et la Vierge accouchoient dans une alcove pratiquée sur le théâtre : on avoit soin seulement de tirer les rideaux du lit. Si les auteurs de ces pièces monstrueuses inventoient quelque épisode, il se ressentoit de leur grossière ignorance. Par exemple, Judas tuoit le fils du roi de Scarioth, à la suite d’une querelle qu’il avoit prise avec lui en jouant aux échecs ; il assommoit ensuite son père, et devenoit le mari de sa mère, ce qui produisoit une reconnoissance et des fureurs. Mahomet, dont on faisoit mention sept cents ans avant sa naissance, étoit compté parmi les divinités du paganisme. Le gouvernement de Judée vendoit les évêchés à l’enchère. Satan prioit Lucifer de lui donner sa bénédiction. Les diables, les satellites des tyrans, les bourreaux, les archers, les voleurs, étoient ordinairement les personnages plaisants de ces compositions dramatiques.