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commander ; car, de prétendre que l’intelligence d’un homme, quel qu’il puisse être, ait le privilége d’imposer une règle tirée d’elle-même à d’autres intelligences, c’est imaginer, en fait de tyrannie, quelque chose de plus avilissant et de plus monstrueux que ce qui a jamais été établi en principe ou mis en pratique chez aucun peuple du monde[1]. Les gouvernements païens les plus violents n’avoient pas même cette prétention ; et s’ils avoient réduit à l’esclavage le peuple proprement dit, c’est qu’ils l’avoient en quelque sorte exclu du rang des intelligences, n’exerçant leur action que sur ce qu’il y avoit de matériel dans l’homme à ce point dégradé.

Ainsi, tout étant intelligent, libre, agissant dans une société chrétienne, il est facile de concevoir quelle faute commit Louis XIV, après avoir entièrement isolé son pouvoir en achevant d’abattre tout ce qui étoit intermédiaire entre son peuple et lui, de chercher à se rendre encore indépendant de ce joug si léger que lui imposoit l’autorité religieuse. Il crut, et ses conseillers crurent avec lui, que cette indépendance fortifieroit ce pouvoir ; et la vérité est que ce pouvoir en fut ébranlé jusque dans ses fondements, et que jamais coup plus fatal ne lui avoit encore

1 L’Angleterre exceptée ; c’est là que, sous Henri VIII et ses successeurs, ce prodige s’est réalisé.