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que dans tous les gouvernements despotiques, la plénitude du pouvoir dont il leur étoit donné d’abuser impunément envers les grands et envers les petits[1]. On a vu quel mouvement factice cette force et cette concentration de volonté avoit donné à la société, et le parti qu’en avoient su tirer deux hommes habiles, qui exploitèrent ainsi, au profit de leur propre ambition, l’orgueil et l’ambition de leur maître, le sang et la substance des peuples, le repos de la chrétienté, l’avenir de la France. Louvois avoit fait de Louis XIV le vainqueur et l’arbitre de l’Europe : Colbert, nous l’avons déjà dit, jugea que ce n’étoit point assez, et ne prétendit pas moins qu’à

1 « Les ministres avoient su persuader au roi l’abaissement de tout ce qui étoit élevé ; et leur refuser le traitement (le titre de monseigneur qu’ils exigeoient de tous, sans exception), c’étoit mépriser son autorité et son service dont ils étoient les organes, parce que d’ailleurs, et par eux-mêmes, ils n’étoient rien. Le roi, séduit par ce reflet prétendu de grandeur sur lui-même, s’expliqua si rudement à cet égard, qu’il ne fut plus question que de ployer sous ce nouveau style ou de quitter le service, et de tomber en même temps, en le quittant, dans la disgrace[** ? ] marquée du roi, et sous la persécution des ministres dont les occasions se rencontroient à tous moments ; de là l’autorité personnelle et particulière des ministres montée au comble, jusqu’en ce qui ne regardoit ni les ordres, ni le service du roi, sous l’ombre que c’étoit la sienne ; de là ce degré de puissance qu’ils usurpèrent ; de là leurs richesses immenses, et les alliances qu’ils firent à leur choix. » (Mém. de Saint-Simon, liv. iv.)