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saluer le roi, et prêter serment de sa nouvelle charge, et vendit les dragons.

Il avoit eu, dès 1665, le gouvernement de Berry, à la mort du maréchal de Clerembault. Je ne parle point ici de ses aventures avec Mademoiselle, qu’elle raconte elle-même si naïvement dans ses mémoires, et l’extrême folie qu’il fit de différer son mariage avec elle, auquel le roi avoit consenti, pour avoir de belles livrées et pour obtenir que le mariage fût célébré à la messe du roi, ce qui donna le temps à Monsieur, poussé par M. le Prince, d’aller tous deux faire des représentations au roi, qui l’engagèrent à rétracter son consentement ; ce qui rompit le mariage. Mademoiselle jeta feu et flammes ; mais Puyguilhem, qui, depuis la mort de son père, avoit pris le nom de comte de Lauzun, en fit au roi le grand sacrifice de bonne grâce, et plus sagement qu’il ne lui appartenoit. Il avoit eu la compagnie des cent gentilshommes de la maison du roi au bec de corbin, qu’avoit son père, et venoit d’être fait lieutenant général.

II étoit amoureux de Mme de Monaco, sœur du comte de Guiche, intime amie de Madame et dans toutes ses intrigues, tellement que, quoique ce fût chose sans exemple et qui n’en a pas eu depuis, elle obtint du roi, avec qui elle étoit extrêmement bien, d’avoir, comme fille d’Angleterre, une surintendante comme la reine, et que ce fût Mme de Monaco. Lauzun étoit fort jaloux et n’étoit pas content d’elle. Une après-dînée d’été qu’il étoit allé à Saint-Cloud, il trouva Madame et sa cour assises à terre sur le parquet, pour se rafraîchir, et Mme de Monaco à demi couchée, une main renversée par terre. Lauzun se met en galanterie avec les dames, et tourne si bien qu’il appuie son talon dans le creux de la main de Mme de Monaco, y fait la pirouette et s’en va. Mme de Monaco eut la force de ne point crier et de s’en taire. Peu après il lit bien pis. Il écuma que le roi avoit des passades avec elle, et l’heure où Bontems la conduisoit enveloppée d’une cape, par un degré dérobé, sur le palier