Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/71

Cette page n’a pas encore été corrigée

La reine, dès que le roi étoit passé à son lever, se chaussoit seule avec l’assafeta, qui lui donnoit sa robe de chambre. C’étoit le seul moment où elle pouvoit parler seule à la reine et la reine à elle ; mais ce moment alloit au plus et non toujours à un demi-quart d’heure. Plus long, le roi l’auroit su, et auroit voulu savoir ce qui l’auroit allongé. La reine passoit cette pièce vide, et entroit dans un beau et grand cabinet où sa toilette l’attendoit. La camarera-mayor, deux dames du palais, deux señoras de honor tour à tour par semaine, et les caméristes étoient autour, quelquefois quelques dames du palais ou quelque señora de honor, qui n’étoient pas en semaine, mais rarement. Quand le roi avoit fini avec le P. Daubenton, et d’ordinaire cela étoit court, il alloit à la toilette de la reine, suivi des deux seigneurs, qui, pendant sa conversation avec le P. Daubenton, l’attendoient à la porte du cabinet, soit en dedans, soit en dehors. Les infants venoient aussi à la toilette où il n’entroit avec eux que leurs gouverneurs et, depuis le mariage du prince des Asturies, la princesse des Asturies, le duc de Popoli et la duchesse de Monteillano, quelquefois une dame du palais aussi de la princesse. Le cardinal Borgia avoit cette privance, et s’en servoit souvent. Le marquis de Villena l’avoit aussi, mais fâché d’être réduit à celle-là, et privé de toutes celles que de droit lui donnoit sa charge, il n’en usait presque jamais. La chasse, les voyages, les beaux habits du roi et des infants étoient la matière de la conversation. Par-ci, par-là, quelque petit avis de réprimande de la reine à ses dames sur l’assiduité de leur service, ou sur leurs commerces, ou sûr la dévotion, car elle les tenoit fort de court pour ne pas voir grand monde et sur le choix de leur commerce ; et pour être bien avec elle, il falloit moucher souvent, n’être pas trop longtemps en couche ni souvent incommodée, surtout faire ses dévotions tous les huit jours. Souvent aussi le cardinal Borgia défrayoit la toilette par les plaisanteries qu’on lui faisoit, et auxquelles il donnoit