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à cause de sa femme héritière en Espagne ; car tous ces seigneurs italiens et flamands n’avoient que leurs titres, leurs charges et leurs emplois, et pas un pouce de terre, au lieu que le Liria n’avoit ni terres, ni espérances, ni établissement qu’en Espagne.

Ces deux cabale, l’espagnole sur son palier, l’étrangère sous la bannière de la reine, n’éclatoient ni ne se montroient au dehors, mais en dessous se guettoient sans cesse, et par leur haine, leur envie, leur jalousie, faisoient des mouvements intérieurs. La reine, à la vie qu’elle menoit, ne pouvoit pas toujours être avertie, et tout le menu lui échappoit, parce que tous les secrétaires d’État et tous les membres des conseils et des juntes, pour ce qui en subsistoit, étoient tous Espagnols, et par ce encore que les grands seigneurs espagnols ne laissoient pas de trouver des accès auprès du roi, quelque enfermé qu’il fût, et qui, au fond, les considéroit et donnoit dans son cœur et dans son goût une grande préférence aux Espagnols sur toute autre nation, excepté la française, mais sur laquelle il tenoit son goût de fort court, en considération des Espagnols ; laquelle considération étoit bien connue à la reine, et la contraignoit beaucoup et souvent. Toutes ces choses invisibles en détail au gros du monde, même de la cour, étoit un spectacle fort intéressant, ou fort amusant et curieux, polir qui étoit au fait des personnages de l’intérieur du palais et des événements.

Ceci conduit naturellement à donner la mécanique extérieure du journalier du roi et de la reine d’Espagne, parce que rien n’influe tant sur le grand et le petit que cette mécanique des souverains. C’est ce qu’une expérience continuelle apprend à ceux qui sont initiés dans l’intérieur par la faveur ou par les affaires, et à ceux des dehors assez en confiance avec ces initiés pour qu’ils leur parlent librement. Je dirai, en passant, par l’expérience que j’ai faite vingt ans durant, et plus en l’une et en l’autre manière, que cette connoissance