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roi. Par la même raison du roi, et par la conjoncture d’alors, elle traitoit bien les François, mais au fond elle ne les aimoit pas.

Son goût étoit déclaré pour les Italiens, qui se rassembloient entre eux en cabale contre les Espagnols, sous la protection de la reine. Les Flamands s’accrochoient à eux pour plaire à la reine et par ancienne aversion de leur nation pour l’espagnole, et ce qu’il, y avoit d’Irlandois aussi en officiers et en señoras de honor, et en caméristes., quoique le duc d’Ormond et le marquis de Lede, auxquels chacune des deux nations se rallioit, se maintinssent bien avec la reine, et avec les Espagnols. Des Espagnols aussi, mais en petit nombre, se joignoient à la cabale italienne, comme Montijo, tout jeune qu’il étoit encore, comme Miraval, gouverneur du conseil de Castille, ami intime du duc de Popoli, et quelques autres, ou pour des vues de fortune, ou par avoir secrètement la maison d’Autriche dans le cœur.

Les Espagnols payoient de haine, de hauteur, de mépris, et ne détestoient rien tant au monde que les Italiens, et après eux les Flamands. Ils souffroient les Irlandois, et la considération du roi, qui aimoit fort les François, les retenoit à leur égard. Ce qui faisoit encore cette différence, c’est qu’ils trouvoient beaucoup de seigneurs en leur chemin des deux premières nations pour les fortunes, les distinctions, les charges et les grandes places, ce qui ne se rencontroit pas dans les deux autres où il n’y avoit personne à pouvoir s’égaler à eux ; et d’ailleurs les François établis à demeure n’étoffent rien pour le nombre. Caylus étoit le seul qui pointât vers la fortune ; il étoit militaire plus que courtisan, et point marié. Toutefois il avoit la Toison, et visoit à être capitaine général d’une province et d’armée. Il y arriva en effet, et longtemps depuis mon retour, à la grandesse et à la vice-royauté du Pérou. Mais ce n’étoit qu’un seul homme. À l’égard du duc de Liria, il avoit su se maintenir avec les uns et les autres, et il en étoit regardé comme naturel Espagnol,