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puisque enfin ils s’étoient mis dans la nécessité de la finir, que pour n’avoir pas la douleur, après toute l’amitié que je lui avois témoignée toute ma vie, de me trouver opposé à son bonheur.

La vérité est que je me fusse passé bien volontiers de cette visite. Je ne me voulois pas brouiller avec un homme que j’avois si grandement obligé en tant de façons, parce que je lui avois des obligations précédentes, et qui me devoit tout ce qu’il étoit et tout ce qu’il prétendoit devenir ; je ne voulois ni m’engager, ni mentir, ni donner prise. Je battis donc la campagne sur l’ancienne amitié ; je lui avouai mon éloignement des érections nouvelles, qui toujours en amenoient d’autres, et augmentoient un nombre déjà trop grand ; que lui-même ne l’ignoroit pas, avec qui je m’en étois plaint souvent ; qu’à chose promise et à lui et au roi d’Angleterre, et qui n’attendoit plus que la déclaration, ce seroit peine perdue de travailler contre ; que, de plus, il étoit trop à portée de l’intérieur pour n’avoir pas remarqué que depuis longtemps je battois de plus en plus en retraite ; puis force propos polis, qui ne signifioient rien. Il fut content ou fit semblant de l’être, mais j’eus lieu de croire que ce fut le dernier, par ce qui arriva sept ou huit jours après à l’abbé de Saint-Simon, qui tout de suite vint me le conter à Meudon.

Il alla chez La Vrillière, à Versailles, lui parler d’une affaire. Après y avoir répondu honnêtement : « Voyez-vous, lui dit-[il] ce tiroir de mon bureau ? il y a dedans la liste de tous ceux qui se sont opposés à mon affaire, et de tous ces beaux messieurs qui en ont tenu de si jolis discours. Elle se fera malgré eux et leurs dents, et sans que je m’en remue. Ce n’est plus mon affaire, c’est celle du roi d’Angleterre, qui l’a entreprise, qui en a la parole positive, qui prétend se la faire tenir ; et nous verrons si on aimera mieux rompre avec lui et avoir la guerre. Si cela arrive, j’en serai fâché, mais je m’en lave les mains. Il faudra s’en