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Schaub, qui avoit les siennes, fut charmé d’une ouverture qui l’y conduisoit, et se mit à digérer le projet. Ils surent que la comtesse de Platten avoit une fille belle et bien faite, d’âge sortable pour leur fils, mais sans aucun bien, comme toutes les Allemandes, et dès lors ils ne songèrent plus qu’à ce mariage pour se procurer l’intercession du roi d’Angleterre, laquelle ne lui coûtant rien, il ne la refuseroit pas à son ancienne maîtresse pour l’établissement de sa fille. Les parents calvinistes de la comtesse de Mailly, retirés et depuis longtemps établis dans les États de la maison de Brunswick, se mirent en campagne pour faire la proposition de ce mariage ; ils furent écoutés. Mme de Platten se seroit bien gardée de prendre une fille de La Vrillière qui auroit exclus son fils et sa postérité des chapitres protestants pour des siècles, comme des chapitres catholiques ; mais sa fille à donner au fils de La Vrillière n’avoit pas le même inconvénient.

L’affaire réglée donna lieu à Schaub de jouer son personnage. Il sonda le cardinal Dubois sur son attachement pour le roi d’Angleterre et pour ses ministres principaux. Il en reçut toutes les protestations d’un homme qui leur devoit son chapeau, par conséquent le premier ministère, auquel, sans le chapeau, il n’auroit pu atteindre, et qui l’avoit mis en état de recevoir une pension de quarante mille livres sterling de l’Angleterre, qui passoit par les mains de Schaub depuis qu’il étoit en France, et qui étoit depuis longtemps au fait des liaisons intimes, ou plutôt de la dépendance entière de Dubois du ministère Anglois. Quand sa matière fut bien préparée, il lui parla du mariage, du crédit que la comtesse de Platten conservoit très solide sur le roi d’Angleterre, sur ses liaisons intimes avec ses principaux ministres allemands et Anglois, de l’embarras où se trouvoit la comtesse de Platten de donner sa fille à un homme qui, de l’état que ses pères avoient toujours exercé, quelque honorable et distingué qu’il fût en France, n’oseroit penser à sa fille s’il étoit Allemand ; que ce mariage toutefois convenoit extrêmement