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La comtesse de Mailly, mère de Mme de La Vrillière, étoit Saint-Hermine, et de Saintonge. Elle avoit originairement beaucoup de parents calvinistes qui s’étoient retirés en divers temps dans les États de la maison de Brunswick, où des alliances de plusieurs d’eux avec les Olbreuse, de même pays qu’eux ou fort voisins, leur avoient fait espérer, puis obtenir la protection de la duchesse de Zell, de laquelle il a été parlé ailleurs. Personne n’ignoroit le crédit qu’avoit eu la baronne de Platten sur l’électeur d’Hanovre qui l’avoit fait comtesse, et qu’elle en conservoit encore quelques restes, quoique depuis longtemps une autre maîtresse l’eût supplantée, que l’électeur avoit même attirée et élevée en dignité en Angleterre, depuis que lui-même y eut été prendre possession de la couronne de la Grande-Bretagne, à la mort de la reine Anne.

Schaub, ce Suisse dont ce prince s’étoit si longtemps servi à Vienne, ce drôle si intrigant, si rusé, si délié, si Anglois, si autrichien, si ennemi de la France, si confident du ministère de Londres, que nous avons si souvent rencontré dans ce qui a été donné ici, d’après M. de Torcy, sur les affaires étrangères, ce Schaub étoit ici chargé du vrai secret entre le ministère Anglois et le cardinal Dubois, sur lequel il avoit su usurper tout pouvoir. Aussi était-il fort cultivé dans notre cour. M. et Mme de La Vrillière l’avoient fort attiré chez eux par cette raison, et Schaub, qui étoit fort entrant, et avide d’écumer partout où il pouvoit espérer quelque récolte, s’y étoit rendu extrêmement familier. Pour s’amuser ou autrement, il s’avisa de tourner autour de Mme de La Vrillière. Il la voyoit encore coquette au dernier point, et n’ignoroit pas qu’elle n’avoit jamais été cruelle. La dame s’en aperçut bientôt, elle ne s’en offensa pas, et fit si bien qu’elle le rendit amoureux tout de bon ; car elle étoit encore jolie. Alors elle le jugea un instrument propre à la servir, et son mari et elle lui firent confidence de leurs vues et de leur besoin de la protection du roi d’Angleterre.