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l’Empire, et dont le procès avoit été jugé par le conseil aulique, tribunal de l’Empire, qui n’en connoissoit point de supérieur à soi, beaucoup moins un tribunal étranger à l’Empire, tel que le parlement de Paris.

On essaya d’amuser l’empereur, mais il se fâcha si bien qu’on n’osa passer outre, et le parlement cessa d’y travailler. La chute du garde des sceaux Chauvelin, et d’autres circonstances qui décréditèrent Mme de Carignan, fit dormir cette affaire. Sponeck et sa femme, prouvée aussi sa sœur, s’étoient faits catholiques pour s’acquérir les prêtres et les dévots ; ils ne bougeoient de Saint-Sulpice, des jésuites et de tous les lieux de piété en faveur. C’étoient des saints, malgré l’inceste et le bien d’autrui qu’ils vouloient s’approprier comme que ce fût. Mais il falloit une grande protection pour remettre leur affaire en train. Ils la trouvèrent dans la maison de Rohan, qui avisa qu’en leur faisant gagner leur procès ils deviendroient conséquemment princes de la maison de Würtemberg, et qu’ils se déferoient pour rien d’une de leurs filles en la mariant au fils de cet inceste, en lui obtenant ici le rang de prince étranger. Ils y mirent tout leur crédit, et parvinrent à leur faire accorder des commissaires. Tous ces manéges eurent beaucoup de haut et de bas ; les commissaires travaillèrent.

Cependant le duc de Würtemberg jeta les hauts cris, l’empereur se fâcha de nouveau, l’affaire au fond et en la forme étoit insoutenable ; on ne voulut pas se brouiller avec l’empereur pour cette absurdité où le roi n’avoit pas le plus petit intérêt d’État. Ils furent donc condamnés comme ils l’avoient été à Vienne, avec les mêmes clauses et défenses ; et ils furent réduits à obtenir du duc de Würtemberg, au désir des arrêts du conseil aulique, une légère subsistance comme à des bâtards qu’il faut nourrir, et eux et les Lespérance, et le roi s’entremit auprès du duc de Würtemberg pour leur faire donner quelques terres les plus proches de la Franche-Comté. La douleur des vaincus fut grande, et celle