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ces bâtards d’accord, qui se disputoient le droit à l’héritage, il maria le frère et la sœur qu’il avoit eus de ces deux différentes maîtresses. Il donna sa prédilection à ces nouveaux mariés, leur assurant, autant qu’il fut en lui, sa succession ; les fit reconnoître à Montbéliard comme les souverains futurs, et mourut bientôt après, leur laissant beaucoup d’argent comptant et de pierreries. Sponeck et sa femme se firent prêter serment et reconnoître souverains par leurs nouveaux sujets, et se mirent en possession de tout le petit État de Montbéliard. Le duc de Würtemberg, à qui il revenoit, faute d’héritier légitime, les y troubla et s’adressa à l’empereur. Le Sponeck soutint son prétendu droit, et les Lespérance intervinrent, prétendant exclure le Sponeck et être seuls légitimes héritiers.

Après bien des débats, les uns et les autres furent déclarés bâtards, avec défense de porter le nom et les armes de Würtemberg et le titre de Montbéliard ; les sujets de ce petit État déliés du serment qu’ils avoient prêté au Sponeck, obligés à la prêter au duc de Würtemberg envoyé en possession de tout le Montbéliard ; et les lettres écrites par les Sponeck à l’empereur, renvoyées au Sponeck avec les armes de son cachet et sa signature biffées. Ils intriguèrent pour une révision, et y furent encore plus maltraités. Le voisinage de ce petit État de Montbéliard, qui confine à la Franche-Comté, leur fit implorer la protection du roi pour s’y maintenir. Ils trouvèrent Mme de Carignan, qui disposoit fort alors de notre ministère, laquelle, pour de l’argent, entreprenoit tout ce qu’on lui proposoit. Elle les fit écouter, et, contre toute apparence de raison, renvoyer au parlement de Paris. M. de Würtemberg cria, on le laissa dire, et la poursuite et l’instruction ne s’en continuèrent pas moins. À la fin, l’empereur se plaignit, et demanda de quel droit le roi pouvoit prétendre se mêler des affaires domestiques de l’Empire, et quelle juridiction pouvoit avoir le parlement de Paris sur l’État d’un Allemand naturel, qui se prétendoit prince de