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mayor, dont j’ai parlé plus d’une fois, et dont la complaisance d’accepter cette place surprit fort toute la cour d’Espagne. Aucun François ni Française ne passa en Espagne avec Mlle de Beaujolois. Elle trouva Leurs Majestés Catholiques, le prince et la princesse des Asturies à Buytrago, à une journée de Madrid, qui lui présentèrent don Carlos à la descente de son carrosse. Ils allèrent tous le lendemain à Madrid, où il y eut beaucoup de fêtes. Le chevalier d’Orléans, grand prieur de France, y étoit arrivé sept ou huit jours auparavant, et il fut fait grand d’Espagne. Bientôt après il fit sa couverture, et s’en revint aussitôt après avoir rempli l’objet de son voyage. L’électeur de Bavière, qui avoit si bien servi les deux couronnes, et à qui il en avoit coûté si cher, crut, sur cet exemple, pouvoir demander la même grâce au roi d’Espagne, fils de sa sœur, pour son bâtard le comte de Bavière, qui étoit dans le service de France.

M. le duc d’Orléans, qui méprisoit tout et qui faisoit litière de tout, avoit peu à peu accordé à qui avoit voulu, sans choix ni distinction aucune, les grandes entrées chez le roi, aux uns les grandes, les premières entrées aux autres, et les avoit rendus si nombreux que c’étoit un peuple dont la foule ôtait toute distinction, et ne pouvoit qu’importuner beaucoup le roi. Le cardinal Dubois, qui ne buttoit [1] pas moins à se rendre maître de l’esprit du roi, qu’il avoit fait à dominer M. le duc d’Orléans, voulut éloigner de tout moyen de familiarité avec le roi tous ceux qu’il pourroit, et se la procurer en même temps tout entière. Il saisit donc les premiers moments qui suivirent la majorité pour faire aux entrées le changement qu’il projetoit sous prétexte d’y remettre l’ordre et de soulager le roi d’une foule importune dans les moments de son particulier. Pour mieux entendre le manége du cardinal Dubois là-dessus, il faut expliquer auparavant ce que c’étoit que les entrées chez le feu roi,

  1. Qui ne tendait pas moins.