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changement lui avoit tellement fermé la bouche que le chancelier l’appeloit son muet, et on y perdoit infiniment. Quand il faisoit tant que de dire quelque chose, c’étoit toujours avec un sel et une grâce qui ravissoit. Je lui disois souvent que j’avois envie de le battre jusqu’à ce qu’il se mit à parler. Il ne fut jamais marié, fort solitaire et sauvage depuis sa grande piété, et mourut avec peu de bien, duquel il ne s’étoit jamais soucié, à quatre-vingt-quatre ans, regretté de beaucoup d’amis, et avec une réputation grande et rare.

Les obsèques de Madame se firent à Saint-Denis, le 13 février. Mlles de Charolois, de Clermont et de la Roche-sur-Yon, firent le deuil, menées par M. le duc de Chartres, M. le duc et M. le comte de Clermont. Les cours supérieures y assistèrent. L’archevêque d’Albi (Castries) officia, et l’évêque de Clermont (Massillon) fit l’oraison funèbre, qui fut belle.

Mme la Princesse suivit Madame de près. Elle mourut à Paris, le 23 février, à soixante-quinze ans. Elles étoient filles des deux frères et fort unies, petites-filles de l’électeur palatin, gendre de Jacques Ier, roi de la Grande-Bretagne, qui [1], pour s’être voulu faire roi de Bohème, perdit tous ses États et sa dignité électorale, et mourut proscrit en Hollande. Son fils acné fut enfin rétabli, mais dernier électeur, ce que Madame, qui étoit sa fille, rie pardonna jamais à la branche de Bavière. Édouard, frère puîné de l’électeur rétabli, épousa Anne Gonzague, dite Clèves, dont il eut la princesse de Salm, femme du gouverneur de l’empereur Joseph, et ministre d’État de l’empereur, Léopold, Mme la Princesse, et la duchesse d’Hanovre ou de Brunswick, mère de l’impératrice Amélie, épouse de l’empereur Joseph. Cette Anne Gonzague se rendit illustre par son esprit et sa conduite, et par sa grande cabale pendant les troubles de la minorité du feu

  1. Le qui se rapporte à l’électeur palatin.