Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/429

Cette page n’a pas encore été corrigée

peindrois encore grande, grasse, l’air sain et frais. Elle nous conta qu’elle étoit dans son carrosse avec son mari sur le pont Neuf, lorsque tout à coup ils entendirent de grands cris, et qu’ils apprirent un moment après que Henri IV venoit d’être tué. Pour revenir à la maréchale de Clerembault, elle eut plusieurs frères et soeurs, entre autres l’évêque de Troyes qui, démis et retiré, fut mis dans le conseil de régence, et duquel il a été souvent parlé ici ; Mme de Brienne Loménie, femme du secrétaire d’État, morte dès 1664, et la duchesse de Choiseul, seconde femme sans enfants du dernier duc de Choiseul, veuve en première noces de Brûlart, premier président du parlement de Dijon, dont elle eut la duchesse de Luynes, dame d’honneur de la reine.

La maréchale de Clerembault avoit épousé, en 1654, le maréchal de Clerembault, qui avoit été fait maréchal de France dix-huit mois auparavant. Il eut le gouvernement du Berry, et fut chevalier de l’ordre en la première grande promotion du feu roi en 1661, et mourut en 1665, à cinquante-sept ans, ne laissant qu’une fille qui fut religieuse, et deux fils dont on a parlé ici à l’occasion de leur mort sans alliance. Le maréchal de Clerembault étoit homme de qualité, bon homme de guerre, et avoit été mestre de camp général de la cavalerie, fort à la mode sous le nom de comte de Palluau, avant qu’il prit son nom lorsqu’il devint maréchal de France. C’étoit un homme de beaucoup d’esprit, orné, agréable, plaisant, insinuant et souple, avec beaucoup de manége, toujours bien avec les ministres, fort au gré du cardinal Mazarin [1], et fort aussi au gré du monde et toujours

  1. Le comte de Palluau devint maréchal de France en 1652. On était alors en pleine Fronde, et les poètes satiriques n’épargnèrent pas un général qui était resté fidèle à Mazarin. Blot lui décocha le couplet suivant : À ce grand maréchal de France, / Favori de Son Éminence, / Qui a si bien battu Persan ; / Palluau, ce grand capitaine, / Qui prend un château dans un an, / Et perd trois places par semaine.