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et le feu roi l’ignora, ou ne s’en soucia pas plus que lui. De là l’embarras où placer les tables des ambassadeurs et du grand chambellan : on ne pouvoit les placer dans la même pièce de celle du roi, sans être sous sa vue, ni lui en dérober la vue qu’en les mettant dans une autre pièce. On ne songea seulement pas qu’avant le changement fait à cette pièce, elle étoit aussi capable qu’alors de contenir ces deux tables, et qu’elles avoient néanmoins été toujours mises dans l’équerre, que l’archevêque Le Tellier n’avoit fait que couper, pour les dérober à la vue du roi ; ce qui devoit déterminer à les mettre encore dans cette même équerre, quoique coupée et faisant une autre pièce. On sauta donc le bâton, on les mit dans la pièce où étoit la table du roi, et on les plaça sur même ligne, mais au-dessous des deux tables des pairs laïques et ecclésiastiques, d’où résulta nouvelle difformité, en ce que ces évêques, non pairs, suffragants de Reims, qu’on fit manger pour la première fois à la table des pairs ecclésiastiques, se trouvèrent à une table supérieure à celle des ambassadeurs et à celle du grand chambellan, avec qui ces évêques n’ont pas la moindre compétence ; et, pour rendre la chose plus ridicule, à une table supérieure à celle où le chancelier mangeoit, et placé comme eux au bas-côté de la table inférieure à la leur, lui qui ne leur donne pas la main chez lui, et dont le style de ses lettres à eux est si prodigieusement supérieur. Ajoutons encore l’énormité de faire manger à la vue du roi, en une telle cérémonie, les deux introducteurs des ambassadeurs, tant par leur être personnel que par la médiocrité de leur charge, parce qu’ils doivent manger à la table des ambassadeurs. Les réflexions se présentent tellement d’elles-mêmes sur un si grand amas de dissonances de toutes les espèces, nées de toutes ces nouveautés, que je les supprimerai ici. Venons maintenant à ce qui se passa pour l’ordre du Saint-Esprit, que le roi reçut le lendemain matin des mains de l’archevêque de Reims, et qu’il conféra ensuite,