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blâmée, mais sans aller plus loin, et sans que, pendant les dix jours qui s’écoulèrent jusqu’à l’enlèvement du maréchal de Villeroy, il fût entré dans la tête de personne qu’il pût lui en arriver pis que le blâme général d’un emportement si démesuré, tant on étoit accoutumé à l’impunité de ses incartades et à la faiblesse de M. le duc d’Orléans. J’étois ravi cependant de voir une sécurité si générale, qui augmentoit celle du maréchal de Villeroy, rendroit plus facile l’exécution de ce qu’on lui préparoit, et qui ne cessoit de le mériter de plus en plus par l’indécence et l’affectation de ses discours, et l’audace de ses continuels défis. Trois ou quatre jours après j’allai à Versailles voir M. le duc d’Orléans. Il me dit que faute de mieux, et sur ce que je lui avois dit plus d’une fois du duc de Charost, il s’étoit résolu à lui donner la place de gouverneur du roi ; qu’il l’avoit vu secrètement ; qu’il avoit accepté de fort bonne grâce, et qu’il l’alloit tenir en mue, claquemuré dans son appartement de lui Charost, à Versailles, sans en sortir ni se montrer à qui que ce fût, pour l’avoir tout prêt sous sa main à le mener au roi, et l’installer dans le moment qu’il en seroit temps. Il repassa avec moi toute la mécanique concertée, et je m’en revins à Meudon, résolu de n’en bouger qu’après l’exécution qui s’approchoit, et sur laquelle il n’y avoit plus de nouvelles mesures à prendre.




CHAPITRE XV.


Piège tendu au maréchal de Villeroy, qui y donne en plein. — Le maréchal de Villeroy arrêté et conduit tout de suite à Villeroy. — Le roi fort affligé. — Fuite inconnue de l’évêque de Fréjus, découvert à Bâville, mandé et de retour aussitôt. — Fureurs du maréchal