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Je ne ferai point ici un détail superflu de tout ce qui fut discuté dans cette petite assemblée. On y résolut ce qu’on va voir, qui fut très bien exécuté. Seulement dirai-je que, dès que je fus assis et que le cardinal Dubois m’eut déclaré que tout ce qui se trouvoit en ce petit conventicule étoit du secret et que je pouvois y parler sans réserve, il me dit qu’on m’y attendoit avec impatience pour apprendre ce que M. le duc d’Orléans avoit résolu, comme s’il l’eût ignoré, et que cette assemblée, pour délibérer de la mécanique de l’exécution, n’eût pas décelé la connoissance certaine qu’il avoit de la résolution prise par M. le duc d’Orléans. Je l’exposai donc en peu de mots ; après quoi on vint à la manière, à la forme, aux expédients de l’exécution, aux remèdes des obstacles et des inconvénients du moment et de ses suites.

Ces discussions furent assez longues, auxquelles je pris assez peu de part. Le fort en roula sur le cardinal Dubois et sur Le Blanc. Belle-Ile, extrêmement bien avec les Rohan, et d’autre part avec le maréchal de Berwick, se comporta avec sagesse. Le bon maréchal ne se montra pas si mesuré. Je pense qu’il se trouvoit fatigué des grands airs d’ancien maître et d’ancien protecteur que le maréchal de Villeroy déployoit sur lui, et des emphases d’autorité et de toute supériorité dont il l’accabloit, et dont il étoit bien aise de se voir délivré. Je convins avec Le Blanc que, dans l’instant que l’exécution seroit faite, il m’en avertiroit par envoyer simplement à Meudon savoir de mes nouvelles, sans rien de plus, et qu’à ce compliment inutile je reconnoîtrois le signal que le maréchal étoit paqueté.

Je m’en retournai donc à Meudon sur le soir, où plusieurs personnes des amies de Mme de Saint-Simon et des miens couchoient souvent, et où la mode s’étoit mise à Versailles et à Paris de venir dîner ou souper, de manière que la compagnie y étoit toujours fort nombreuse. On n’y parloit que de cette scène du maréchal de Villeroy, qui étoit universellement