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aux autres, il avoit le talent, quand on l’en recherchoit, de le faire avec une simplicité, une netteté et une grâce qui plaisoit infiniment. Mais la crainte de donner à penser qu’on le recherchoit pour connoître l’avenir, me retenoit et beaucoup d’autres de le fréquenter comme je l’aurois voulu. Il fut toujours fort pauvre, honnête homme, malheureux en famille, et ne laissa point de postérité masculine. Il étoit homme de qualité et se prétendoit de la maison de Croï, par la conformité des armes, sans toutefois en être plus glorieux.

Le comte de Chamilly. C’étoit un grand et gros homme de bonne mine, de savoir et d’esprit, mais qui le faisoit trop sentir aux autres. Il avoit été ambassadeur en Danemark, où sa hauteur n’avoit pas réussi. Le maréchal de Chamilly, son oncle, l’avoit fait succéder à son commandement de Poitou, Saintonge, Angoumois, pays d’Aunis, la Rochelle et îles adjacentes, et il [était] lieutenant général et gouverneur du château de Dijon. Il n’avoit que cinquante-huit ans, point d’enfants mâles.

Mme de Montchevreuil, abbesse de Saint-Antoine, à Paris. Elle étoit fort âgée, et sœur du feu marquis de Montchevreuil, chevalier de l’ordre, si bien avec le feu roi et si intimement avec Mme de Maintenon, duquel il a été parlé ici plusieurs fois. Cette belle abbaye fut donnée à la fille aînée de Mme la Duchesse, bossue et fort contrefaite de corps et d’esprit, religieuse de Fontevrault, où elle n’avoit pu durer, et depuis longtemps au Val-de-Grâce, dont elle étoit le fléau, et le devint de son abbaye.

J’eus aussi à regretter des amis. L’abbé de Saint-Herem, fils et frère de deux évêques d’Aire, qui étoit d’une sûre et agréable compagnie, qui savoit, qui se conduisoit très sagement, et qui de la naissance dont il étoit, et le mérite qu’il avoit, étoit fait pour remplir utilement les premiers postes de l’Église.

Le marquis de Saint-Herem, son cousin, gouverneur de