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que le cardinal Borgia, et d’avoir la patience de le suivre pas à pas. Il l’exécuta dans toute l’exactitude, et il me rapporta que le cardinal Borgia s’étoit trouvé assidûment au chœur, en rochet et camail violet, à cause du carême, en calotte et bonnet rouge, ayant des chanoines au-dessous et au-dessus de lui, sans chaire vide entre eux et lui, mais ayant devant lui un tapis de la largeur de sa stalle, jeté sur l’appui régnant le long des stalles, faisant le dossier des stalles d’au-dessous, et sur ce tapis un carreau pour s’appuyer dessus, à ses pieds un carreau pour s’y mettre à genoux, le tout de velours rouge avec un peu d’or, qui est le traitement qu’ont les grands d’Espagne dans les églises, et qu’on a vu ci-dessus que mon second fils et moi eûmes aussi, mais à la tête du choeur. Le cardinal Borgia se découvrit et se couvrit toujours comme les autres chanoines, en même temps qu’eux. Pendant qu’il y fut, il y eut une procession du chapitre, que Pecquet ne manqua pas de voir et d’observer. Il y vit le cardinal Borgia marcher en son rang d’ancienneté de chanoine, qui alloient, en file, deux à deux, comme dans toutes les processions, un chanoine marchant à côté de lui, comme chacun des autres, et des chanoines devant et derrière lui sans aucune distance que la même gardée entre eux, sans que la queue du cardinal Borgia fût portée par personne, qui n’étoit pas plus longue que celles des autres chanoines, et sans avoir près de lui ni écuyer ni aumônier. Voilà de ces choses qu’il faut avoir vues pour les croire, avec la superbe cardinalesque et les immenses usurpations de ces prétendus égaux des rois.