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je n’ai jamais regretté plus sincèrement votre absence, ni souhaité avec plus de passion le secours de votre indignation et de votre courage. Je vous conjure, monsieur, de vous en tenir à cette idée jusqu’à ce que vous puissiez voir les choses par vous-même, et que vous soyez à portée de signaler votre zèle pour ce que vous croirez le mériter davantage pour le bien de l’État, l’union des deux couronnes, le soutien de la dernière liaison qui a été faite, et le maintien de Mgr le duc d’Orléans. » (C’est ce qu’il entendoit ci-dessus par détruire son ouvrage, mais qu’il sentoit bien plus véritablement de lui-même.) « Je puis y ajouter et pour votre propre défense ; car je vous assure que, si on venoit à bout de ce que l’on trame, je suis persuadé que, si vous n’étiez pas la première victime, vous seriez la seconde. Ces orages me conduisent bien naturellement à penser à votre retour. Tout me persuade que votre présence seroit nécessaire encore pendant quelque temps à Madrid. Le seul moyen de vous laisser sur cela la liberté que vous souhaiterez, seroit que vous pussiez y accréditer un peu M. de Chavigny, ce que l’on me dit n’être pas facile par les mauvaises impressions qu’on a voulu donner à Madrid contre lui. Cependant il ne les mérite pas, et jusqu’à ce que Son Altesse Royale envoie en Espagne un ambassadeur, il n’y a que lui qui puisse exécuter les ordres que vous laisserez en partant. Tâchez, monsieur, de le mettre en état d’être écouté et d’avoir les accès nécessaires, et disposez après cet arrangement du temps de votre retour à votre gré. Je suis également combattu entre les grands services que vous pouvez rendre à Madrid et les secours que vous pouvez donner ici à Son Altesse Royale, et, si j’ose me mettre en ligne de compte, j’ajouterai entre l’impatience que j’ai de cultiver les nouvelles bontés que vous m’avez marquées, et vous donner, s’il m’est possible, de nouvelles preuves, monsieur, de mon respect et de mon attachement. »

Les fausses lueurs de cette lettre y éclatent de toutes parts.