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obtenir les meilleures commanderies. La moindre noblesse et les domestiques principaux des grands seigneurs y sont admis comme eux, la plupart pour s’honorer, et dans l’espérance aussi des petites commanderies. Ces ordres étoient incompatibles avec la Toison et avec tous les autres ordres. Les grands seigneurs Espagnols préféroient presque tous l’utilité des commanderies à l’honneur de porter la Toison, et les rois d’Espagne en étoient bien aises et les entretenoient dans cet esprit pour avoir presque toutes les Toisons à répandre dans leurs États d’Italie et des Pays-Bas, et en donner aux empereurs de leur maison, tant qu’ils en vouloient, pour leur cour et pour les princes d’Allemagne. Ces deux raisons cessèrent avec la vie de Charles II, et par la guerre qui la suivit, qui fit perdre à Philippe V [1] l’Italie et les Pays-Bas, qui étoient demeurés à l’Espagne.

Le premier engouement de l’avènement de Philippe V à la couronne d’Espagne donna aux plus grands seigneurs de l’émulation pour l’ordre du Saint-Esprit, pour signaler leur attachement à la maison nouvellement régnante, et porter une distinction qui montroit la considération et la faveur qu’ils en avoient acquises. Bientôt la difficulté de parvenir à l’ordre du Saint-Esprit, par la rareté des colliers accordés à l’Espagne, donna du goût aux grands seigneurs, qui, de toute nation, étoient attachés à la cour ou au service de Philippe V, pour la Toison, dont ce prince disposoit par lui-même, et dont le retranchement des États de Flandre et d’Italie le rendoit moins avare pour sa cour. Mais l’intérêt des commanderies des ordres anciens d’Espagne les gênoit par la nécessité d’opter entre le profit et l’honneur. Ce fâcheux détroit les engagea à chercher des moyens de réunir l’un à l’autre ; et comme les papes se sont peu à peu emparés en Espagne de ce qui est le moins de leur dépendance, entre autres de l’ordre de la Toison, par la confirmation

  1. Il y a dans le manuscrit Philippe II ; mais c’est une erreur évidente.