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de Grimaldo, entrèrent dans le chapitre par où le duc de Liria étoit entré avec mon fils, coulèrent en dedans le long du banc des chevaliers à gauche, sans révérence, mais le duc s’inclinant, et Valouse sans aucune inclination, à cause du respect de l’épée ; mais les grands ne s’inclinèrent point. Le duc, en arrivant entre le prince des Asturies et le roi, se mit à genoux, et Valouse derrière lui. Quelques moments après, le roi leur fit signe, Valouse tira l’épée du fourreau, le mit sous son bras, prit l’épée nue par la lame vers le milieu, en baisa la garde et la présenta au duc del Arco, toujours tous deux à genoux. Le duc la prit un peu au-dessus de ses mains, baisa la garde, la présenta au roi, qui, sans se découvrir, en baisa le pommeau, prit la garde des deux mains, la tint quelques moments droite ; puis d’une main, mais presque aussitôt des deux, en frappa trois fois alternativement chaque épaule de mon fils, en lui disant : Par saint Georges et saint André, je vous fais chevalier. Et les coups tomboient assez pesamment par le grand poids de l’épée. Pendant que le roi en frappoit, le grand et le premier écuyer étoient toujours à genoux en la même place. Elle fut rendue comme elle avoit été présentée et baisée de même. Valouse la remit dans le fourreau, après quoi le grand écuyer et lui se levèrent, et s’en allèrent comme ils étoient venus.

Cette épée, avec sa poignée, avoit plus de quatre pieds, la lame large en haut de quatre gros doigts, épaisse à proportion, diminuant de largeur et d’épaisseur insensiblement jusqu’à la pointe, qui étoit fort fine. La poignée me parut d’un vieux vermeil travaillé, longue et fort grosse, ainsi que le pommeau ; la croisière longue et les deux bouts larges, plats, travaillés, point de branche. Je l’examinai fort, et je ne la pus lever en l’air d’une main, encore moins la manier avec les deux que fort difficilement. On prétend que c’est l’épée dont se servoit le grand capitaine, avec laquelle il avoit tant remporté de victoires.