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dire qu’il y avoit aussi trop de bonté et de ménagement ; que Sa Majesté gâtoit la princesse ; qu’il falloit la ployer sans retardement à ses devoirs, et que si dans l’excès de la patience de la reine, la considération de M. le duc d’Orléans y entroit pour quelque chose, non seulement je me chargeois de tout auprès de lui, mais que je répondois à Sa Majesté que non seulement il trouveroit bon tout ce qu’il plairoit à Sa Majesté de dire à la princesse, et de faire, mais que lui en seroit aussi extrêmement obligé, parce que personne ne connoissoit mieux que moi ses sentiments pour Leurs Majestés, combien il se sentoit aise du retour de leurs bonnes grâces et désireux de les conserver, combien aussi il se sentoit honoré du mariage de sa fille, combien, par conséquent, il désiroit qu’elle sentît son bonheur et sa grandeur, et qu’elle s’en rendît digne par sa reconnoissance, son obéissance, ses respects pour Leurs Majestés et par une application continuelle non seulement à leur plaire et à répondre à leurs bontés, mais à deviner même tout ce qui pourroit la leur rendre plus agréable et à s’y porter continuellement ; qu’outre que M. le duc d’Orléans regardoit cette conduite comme le devoir de Mme sa fille le plus juste et le plus pressant, il le considéroit aussi comme le seul fondement solide du bonheur de la princesse et comme ce qui pouvoit le plus contribuer au sien, par savoir que sa fille ne fît rien qu’à leur gré, et par se pouvoir flatter de leur avoir fait un présent dont l’agrément pouvoit contribuer à la continuation de leurs bontés pour lui-même et au resserrement de plus en plus de cette heureuse union qu’il avoit toujours si passionnément désirée.

Ce discours fut fort bien reçu. La conversation s’étendit sur de pareils détails à ceux qui l’avoient commencée, et finit par des ordres fort exprès du roi et de la reine de voir souvent la princesse et de lui parler. La duchesse de Monteillano et les autres dames m’en pressoient continuellement. J’avois déjà vu la princesse bien des fois, même au lit ; il