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répondis que je n’aurois osé lui demander rien là-dessus ; mais que cette offre si obligeante me combloit, et je l’embrassai de tout mon cœur. Mais ce ministre ne réussit pas plus que moi. Il en parla deux fois, il fut refusé, et à la dernière, le roi d’Espagne lui dit qu’après tout ce qu’il avoit fait pour moi je devois être content. De sorte que Grimaldo me conseilla et me pria même par l’amitié qu’il avoit pour moi de ne pas tenter l’impossible, et de ne me pas rendre désagréable à Leurs Majestés Catholiques en les pressant de nouveau de ce que très certainement elles ne feroient pas. Je le sentis bien moi-même, et je n’osai plus rien dire ni rien faire sur une chose que j’avois si ardemment désirée. Revenons maintenant à la princesse des Asturies.

Sa convalescence avançoit, et son humeur se manifestoit en même temps. Je sus par l’intérieur qu’elle résistoit avec opiniâtreté à aller chez la reine, après tous les soins et les marques extraordinaires de bonté, les visites continuelles, qu’elle en avoit reçues pendant sa maladie et qu’elle en recevoit encore tous les jours. Elle ne vouloit point sortir de sa chambre ; elle s’amusoit à sa fenêtre où elle se montroit en bonne santé.

Son appartement de plain-pied à celui de la reine n’en étoit séparé que par cette petite galerie intérieure dont j’ai souvent parlé, car elle étoit dans l’appartement qu’avoit l’infante. Elle ne vouloit plus écouter sur rien les médecins sur sa santé, ni ses dames sur sa conduite, et répondoit même à la reine fort sèchement lorsqu’elle essayoit à la ramener par les insinuations les plus douces. La reine même m’en parla et m’ordonna de la voir et de lui aider à la rendre plus traitable. Je répondis que je n’étois que trop informé de ce que j’étois très peiné qui fût ; que je ne devois pas me flatter de pouvoir plus que Sa Majesté sur l’esprit de la princesse ; et après un peu de conversation sur ce qu’elle croyoit m’en apprendre, et que j’y eus ajouté ce que je sa vois de plus, qu’elle ne me nia pas, je pris la liberté de lui