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impressions fâcheuses qui y étoient toujours restées, qui paraissoient toutes les fois que le hasard leur rappeloit le nom de duc de Saint-Aignan, et qui formeroient un obstacle que j’aurois bien de la peine à surmonter, ce qu’il ne pouvoit me cacher qu’il n’espéroit pas. Je le pressai vainement d’en jeter quelques propos à Leurs Majestés Catholiques. Il m’assura que, bien loin de me préparer la voie, cela nuiroit et les arrêteroit au refus ; au lieu que, s’il y avoit un moyen de réussir, c’étoit la surprise et l’embarras de me refuser en face ; que s’ils ne me refusoient ni n’accordoient, alors il m’offroit de venir de son côté à l’appui, et de m’y rendre tout le service qu’il lui seroit possible. C’étoit parler raison ; il fallut bien s’en contenter. Je cherchai à prendre un temps de satisfaction et de bonne humeur de Leurs Majestés Catholiques ; un temps où la conduite de la princesse des Asturies, dont je parlerai bientôt, m’attiroit leur confidence et de fréquents particuliers ; un temps enfin où j’avois lieu de nie flatter que je leur étois personnellement fort agréable. L’extrême désir me faisoit espérer sur ce que la duchesse de Beauvilliers avoit été l’unique personne, en femmes et en hommes, dont le roi d’Espagne, la maison royale à part, m’eût demandé des nouvelles. Je pris donc des moments de pure conversation en tiers avec eux pour la jeter sur la jeunesse du roi d’Espagne, et par là sur le duc et la duchesse de Beauvilliers. J’excitai, tant que je pus, les souvenirs d’estime et d’amitié ; puis me mettant sur la morale du renversement des fortunes les plus sagement et les mieux établies, je parlai de la perte des deux fils du duc de Beauvilliers, qui avoit jeté toute sa fortune sur son gendre, dont les enfants privoient le duc de Saint-Aignan de la décoration que Sa Majesté avoit donnée à sa maison. Je me tus quelques moments pour voir si le roi prendroit à ce discours ; mais, son silence continuant, j’ajoutai que ce seroit une grâce de sa générosité, et digne de son ancienne amitié pour le duc et la duchesse de Beauvilliers, de remettre la grandesse