Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/175

Cette page n’a pas encore été corrigée

secourir don Carlos tant de recrues que de troupes d’augmentation, sinon par mer, dont les transports sont infiniment ruineux, et dont l’Espagne a peu de moyens, et de vaisseaux encore moins. Alors l’Angleterre avec ses flottes deviendroit maîtresse des secours. Quelque bien que nous fussions avec elle, il ne faudroit pas se flatter qu’un prince d’Allemagne, tel que de son estoc étoit le roi d’Angleterre, résistât aux mouvements de l’empereur dans le point le plus sensible, tel que lui étoit l’Italie. Il faudroit de plus compter que la jalousie de se conserver le port Mahon et Gibraltar, que les Anglois ont usurpé dans le sein de l’Espagne, lui feroit embrasser ardemment cette cause de l’empereur, dans la crainte que l’établissement d’une branche d’Espagne en Italie ne le forçât enfin à la restitution. Une entreprise si prématurée pour du présent en Italie à don Carlos, n’auroit pas manqué d’échauffer les esprits de toutes parts, jusqu’à produire une guerre où bientôt après la France n’auroit pu éviter d’entrer. Et comme il s’y agiroit de fiefs de l’Empire ; que le roi de Pologne avoit marié le prince électoral de Saxe, son fils, à une archiduchesse ; que l’électeur de Bavière recherchoit passionnément l’autre archiduchesse pour le sien, ces deux princes, les plus considérables de l’Empire, regarderoient d’un œil de propriété les États héréditaires de l’Empire, tellement qu’avec le concours certain du roi d’Angleterre, électeur d’Hanovre, cette guerre deviendroit aisément une guerre de l’Empire. Or, en quelque disette d’argent que pût être l’empereur, il n’est jamais si puissant ni si riche que lorsqu’il a une guerre de l’Empire. Ses prétentions sur nos bords du Rhin, même sur les trois évêchés’, et qu’il n’abandonnera jamais, ses difficultés subsistantes avec lui pour les limites entre ses Pays-Bas et les nôtres, lui fourniroient bientôt des prétextes de porter