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troupes. C’étoit réveiller toute l’Europe sur un projet dont elle s’embarrassoit peu, tandis qu’il paraissoit éloigné au point où il l’étoit par sa nature, mais qui auroit tout à coup changé de face dès qu’on auroit vu paroître don Carlos armé en Italie. Il auroit fallu payer et entretenir ces troupes, et ce n’eût pas été aux dépens du duc de Parme. Quand bien même ce prince eût pu consentir de soudoyer ces troupes de l’argent qui lui seroit accordé par le pape, et par le roi d’Espagne, de l’indult sur le clergé des Indes pour le payement de Castro et de Ronciglione, indult néanmoins qui étoit une chimère, on auroit dû s’attendre que l’Espagne, sur les sujets de laquelle ces sommes seroient tirées, nous auroit demandé de contribuer de notre part. L’empereur, qui ne verroit point cet événement sans une jalousie extrême, pourroit prétendre de s’y opposer par la voie des armes, comme à une chose qui, n’ayant point d’apparence par l’éloignement naturel de ces successions, le menaceroit d’une manière effective. Mais par impossible, prenant la chose avec plus de modération, il pourroit prendre une autre voie qui, à la fin, ne conduiroit pas moins à la rupture : il diroit que les États de Parme et de Toscane sont menacés d’invasion, tout au moins d’oppression ; qu’encore que le duc de Parme y consentît pour le sien, lui empereur n’étoit pas moins obligé de protéger ses feudataires. Il prétendroit garder les places de ces États ; il y trouveroit toute sorte de facilité pour celui de Toscane ; et pour six mille hommes que nous aurions en Italie, il y en auroit le nombre que bon lui sembleroit, avec toute la facilité que lui donnent les États qu’il possède en Italie, et que lui présente le passage par le Tyrol de ce qu’il y voudroit envoyer d’Allemagne. Le roi de Sardaigne, qui gardoit si étroitement ses frontières dans la crainte de la peste, auroit ce prétexte pour nous refuser tout passage, et les Suisses pareillement, qui n’auroient osé choquer l’empereur. Nous serions donc par là, et l’Espagne par sa situation naturelle, à ne pouvoir