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de Naples dont il fournit tous les mémoires. Castellar ne pouvoit avoir si brusquement changé sur sa réconciliation avec Grimaldo sans avoir subitement pris d’autres vues et s’être assuré d’autres ressources, qui ne pouvoient être autres que le confesseur et les Italiens, et se mettre bien avec la reine en flattant son ignorance des affaires et son ambition sur le passage de don Carlos, qui d’ailleurs convenoit si bien à Castellar, parce que cela forçoit le roi d’Espagne à mettre enfin ordre à ses troupes et à ses finances, à quoi il buttoit pour sa caisse militaire. Et comme il étoit très vrai que le désordre des finances ne venoit que par faute d’administration, parce que le fonds en étoit très bon, et pour ainsi dire sans dettes, Castellar auroit vu avec plaisir quelque rupture en Italie, qui n’auroit pu qu’augmenter le crédit et l’autorité de sa charge. C’étoit là le désir suprême de la cabale italienne, tant pour se mêler d’affaires et acquérir de la considération et du crédit, que dans le désir et l’espérance toujours subsistante, pour raccrocher une partie de leurs biens d’Italie, d’essayer, contre toute raison, quelque restitution au roi d’Espagne de ce que l’empereur lui détenoit, dont, au pis aller, le mauvais succès ne pouvoit rendre à cet égard leur condition pire.

Cette vision, quelque insensée qu’elle fût, méritoit d’autant plus d’être considérée qu’il étoit arrivé à Chavigny de lâcher un grand mot à Pecquet, dans une seconde conversation qu’il eut avec lui, et dont Pecquet me rendit compte incontinent après. Raisonnant ensemble de ce passage actuel de don Carlos en Italie, Pecquet lui dit que c’étoit l’envoyer bien matin pour une succession si éloignée, à quoi Chavigny répondit avec sa tranquille et balbutiante douceur : « Il faudroit quelque chose de présent, quelque chose de présent. » Or ce quelque chose de présent ne pouvoit s’arracher que par la force, et je découvris en même temps que le duc de Popoli avoit été consulté, comme il l’avoit été sur l’entreprise de Naples. Outre cet objet de la cabale italienne qui