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sur sa faiblesse par faute d’argent. Il finit par me dire qu’il avoit un plein pouvoir de M. de Parme si étendu qu’il lui soumettoit son ministre à Madrid, et lui permettoit même d’agir contre l’instruction qu’il lui avoit donnée, s’il le jugeoit à propos ; enfin que ce prince comptoit tellement sur l’amitié et la protection du cardinal Dubois qu’il l’avoit chargé de suivre en tous les ordres de ce ministre sur ce qui le regardoit.

Le soir du même jour, tout tard, Pecquet me vint apprendre que Chavigny l’avoit vu et lui avoit dit qu’il arrivoit à Madrid pour une commission qui seroit fort agréable, qu’il s’agissoit de faire passer don Carlos actuellement en Italie, de le confier au duc de Parme, de l’accompagner de six mille hommes dont M. de Parme auroit le commandement, ainsi que l’administration du jeune prince.

Chavigny me revint voir le lendemain matin, et après la répétition de plusieurs choses de sa première conversation, et force bourre, pendant quoi j’étois fort attentif à ne lui pas laisser apercevoir que je susse la moindre chose sur don Carlos, il m’en parla lui-même avec ses enveloppes accoutumées. Il me dit que M. de Parme désiroit fort d’avoir dès à présent ce petit prince auprès de lui ; qu’en ce cas il lui faudroit donner six mille hommes pour sa garde ; que l’un et l’autre rendroient le duc de Parme fort considérable en Italie, et lui donneroient un maniement de subsides qui l’accommoderoit fort, et l’administration du jeune prince. Je lui fis quelques légères objections pour l’exciter à parler. Il me dit qu’il étoit vrai que ce passage n’étoit peut-être pas bien nécessaire à l’âge de l’infant, que néanmoins sa présence en Italie pourroit contenir les partis qui se formoient parmi les Florentins pour se remettre en république après la mort du grand prince de Toscane, et encourageroit ceux qui vouloient un souverain ; mais qu’au fond ce passage actuel é toit sans aucun inconvénient. Il me dit cela d’un air simple, comme si en effet il s’agissoit d’une chose indifférente. Je