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qu’enfin il me promit de voir Chavigny et de faire ce qu’il pourroit pour que je le pusse présenter au roi d’Espagne, sans toutefois me répondre de venir à bout de ce dernier point. Ce fut tout en arrivant de Lerma que j’eus ces deux conversations avec lui. Il étoit arrivé incommodé et enrhumé, la fièvre s’y joignit après, et il fut sept ou huit jours sans voir personne, ni sortir de son logis.

Le 16 février Chavigny arriva et me vint voir le lendemain matin. Après des propos généraux où il déploya toute sa souplesse, ses respects et son bien-dire, il m’apprit qu’il venoit avec une lettre de créance du duc de Parme, qui comprenant bien l’impossibilité de retirer des mains du pape le duché de Castro et la principauté de Ronciglione, et toute la difficulté d’en retirer l’équivalent en terres, il se restreignoit à lui en demander un qui seroit aisé, si l’Espagne vouloit bien y contribuer en se joignant à lui pour demander au pape un indult sur le clergé des Indes, dont le duc de Parme toucheroit l’argent à la décharge du saint-siège, jusqu’à parfoit dédommagement. Avec sa manière hésitante et volontairement enveloppée, il ne laissa pas de me dire, quoique non clairement, que le cardinal Dubois approuvoit fort cet expédient, et je sentis qu’il y entroit fort pour sortir par là de l’engagement où il s’étoit mis avec ce prince pour lui procurer cette restitution.

Ce qui me surprit fut l’aveu de Chavigny, vrai ou supposé, de n’avoir point de lettres de créance du cardinal Dubois, avec l’air d’un assez grand embarras, sur quoi je me divertis à lui dire que la confiance de ce ministre en lui étoit si généralement connue qu’il n’avoit qu’à se présenter pour obtenir la même des ministres avec qui il pourroit avoir à traiter. Il se mit après sur les louanges du duc de Parme sagesse, capacité, considération dans toute l’Italie ; sur tout,