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France. Elle excita une légère altercation entre le duc del Arco qui, comme parrain, en prit le jour du roi et en fit avertir les grands, et le marquis de Villena, qui, comme majordome-major, prétendoit que c’étoit à lui à le faire. J’ai donné ailleurs la description de cette belle cérémonie pour chacune des trois classes. Je me contenterai donc de dire ici que le duc del Arco, qui n’alloit que dans les carrosses du roi comme grand écuyer, dans lesquels il ne pouvoit donner la main à personne, sans exception, eut la politesse de venir prendre le marquis de Ruffec et moi dans son propre carrosse, avec ses livrées, suivi de celui du duc d’Albe, oncle paternel de celui qui est mort ambassadeur d’Espagne à Paris, et son héritier, qu’il avoit prié de lui aider dans cette cérémonie, comme le parrain en prie toujours un grand. Quoique mon fils et moi pussions faire ou dire, il n’y eut jamais moyen de les faire monter en carrosse avant lui, ni de les empêcher de se mettre tous deux sur le devant du carrosse. On ne sauroit ajouter à la politesse et à l’attention avec laquelle ils s’acquittèrent de la fonction qu’ils avoient bien voulu accepter, soit pour convier à dîner chez moi, en attendant que le roi arrivât dans la pièce de l’audience où la cérémonie s’alloit faire, soit chez moi à y faire les honneurs, plus et mieux que moi. Je fus extrêmement flatté de voir un si grand nombre de grands d’Espagne et d’autres seigneurs à cette couverture, où on m’assura n’en avoir jamais tant vu en aucune, et au retour chez moi, nous nous trouvâmes quarante-cinq à table, ou grands, ou de ce qu’il y avoit d’ailleurs de plus distingué, avec d’autres tables qui se trouvèrent aussi, mais plus médiocrement remplies. J’allai et revins du palais avec le même cortège de suite, de livrées et de carrosses qu’à ma première audience de cérémonie pour la demande de l’infante, et je sus que cette parité de pompe fut sensible aux Espagnols.

Après la cérémonie il y eut chapelle, où j’eus le plaisir de voir mon second fils sur le banc des grands, de celui des