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céder à des considérations aussi importantes ; que pour lui, il n’y voyoit aucun inconvénient, et qu’il ne croyoit pas, non plus, que personne y en pût trouver, quand les raisons d’innover, pour cette fois, seroient connues et pesées. Cette réponse, faite de bonne grâce par un seigneur d’un si grand poids, me mit fort à mon aise. Je le lui témoignai, et après lui avoir fait entendre la manière de l’exécution convenue par Leurs Majestés, je le suppliai de vouloir bien s’expliquer au sortir du bal, un peu publiquement, de la même manière qu’il venoit de le faire avec moi, pour disposer le gros du monde à penser de même et l’entraîner par l’autorité de son suffrage. Je le flattai là-dessus, comme il le méritoit. Il me promit très honnêtement de s’expliquer comme je le désirois. Il me tint exactement parole, et le succès en fut tel que personne n’osa se montrer scandalisé d’une nouveauté si grande et si peu attendue, qui alors, ni depuis, ne reçut aucun blâme de personne.

Content au dernier point de ces précautions, j’allai souper avec tous les François de marque chez le duc del Arco, qui nous avoit invités, où plusieurs des plus distingués de la cour se trouvèrent. Le souper fut à l’espagnole, mais une oille [1] excellente suppléa à d’autres mets auxquels nous étions peu accoutumés, avec d’excellent vin de la Manche. Le vin et l’huile que les seigneurs font faire chez eux, pour eux, sont admirables, et condamnent bien la paresse publique qui des thèmes crus en fait dont on ne peut pas seulement souffrir l’odeur. On y servit aussi de petits jambons vermeils, fort rares en Espagne même, qui ne se font que chez le duc d’Arcos [2] et deux autres seigneurs, de cochons renfermés dans des espèces de petits parcs, remplis de halliers où tout fourmille de vipères, dont ces cochons se nourrissent uniquement. Ces jambons ont un parfum admirable,

  1. On appelle oille, une espèce de potage, où entrent des viandes et des légumes de diverses sortes. Ce mot vient de l’espagnol olla.
  2. Saint-Simon a écrit le duc d’Arcos ; mais il faut lire le duc del Arco.