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services et mon plus profond respect. Puis je lui baisai la main, et me tournai pour faire appeler mes enfants, qui furent quelques moments à être avertis et à venir jusqu’à moi, [moments] que j’employai en remerciements redoublés. Dès qu’ils approchèrent, j’appelai le cadet, et lui dis d’embrasser les genoux du roi qui nous combloit de grâces, et qui le faisoit grand d’Espagne avec moi. Il baisa la main du roi, en se relevant, qui lui dit qu’il étoit fort aise de ce qu’il venoit de faire. Je lui présentai après l’aîné pour le remercier de la Toison, et qui se baissa fort bas seulement et lui baisa la main. Dès que cela fut fait, le roi alla vers la reine, où je le suivis avec mes enfants. Je me baissai fort bas devant la reine ; je lui fis mon remerciement particulier, puis lui présentai mes enfants, le cadet le premier, l’acné après. La reine nous reçut avec beaucoup de bonté et nous dit mille choses obligeantes, puis se mit en marche avec le roi, suivis du prince qui donnoit la main la princesse, que nous saluâmes en passant, et [ils] retournèrent dans leur appartement. Je voulus les suivre, mais je fus comme enlevé par la foule qui s’empressa autour de moi à me faire des compliments. J’eus grande attention à répondre à chacun le plus convenablement, et à tous le plus poliment qu’il me fut possible ; et quoique je ne m’attendisse à rien moins, qu’à recevoir ces grâces dans ce moment, et que je n’eusse qu’une certitude vague par. Grimaldo, et de lui-même et indéfinie pour le temps, il me parut depuis que toute cette nombreuse cour fut contente de moi.

J’affectai fort de témoigner aux grands d’Espagne que j’avois toute ma vie eu une si haute idée de leur dignité, qu’encore que j’eusse l’honneur d’être revêtu de la première du royaume de France, je me trouvois fort honoré de l’être de la leur. Je n’en dissimulai pas ma joie, ni combien j’étois sensible au bonheur de mon second fils, pour lequel je leur demandai leurs bontés. Je n’oubliai pas aussi de témoigner aux chevaliers de la Toison combien j’étois touché de l’honneur