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par ses aumôniers, et lui bouffant contre eux, en sorte que le roi ni la reine ne purent se contenir, ni personne de ce qui en fut témoin. Je ne voyois que le dos du prince et de la princesse à genoux, sur chacun un carreau, entre le prie-Dieu et l’autel, et le cardinal en face qui faisoit des grimaces du dernier embarras. Heureusement je n’eus là affaire qu’au nonce, le majordome-major du roi s’étant placé à côté de son fils, capitaine des gardes en quartier, au bord de la queue du tapis du prie-Dieu. Les grands étoient en foule autour, et tout ce qu’il y avoit de gens considérables, et le reste remplissoit toute la chapelle à ne se pouvoir remuer.

Parmi ce divertissement que ce pauvre cardinal donnoit à tout ce qui le voyoit, je remarquai un contentement extrême dans le roi et la reine de voir accomplir ce mariage. La cérémonie finie, qui ne fut pas bien longue, pendant laquelle personne ne se mit à genoux que le roi et la reine, et où il le fallut, les deux mariés, Leurs Majestés Catholiques se levèrent et se retirèrent vers le coin gauche du bas de leur drap de pied, et se parlèrent bas peut-être l’espace d’un bon credo, après quoi la reine demeura où elle étoit, et le roi vint à moi qui étois à la place où j’avois toujours été pendant la cérémonie. Le roi arrivé à moi me fit l’honneur de me dire : « Monsieur, je suis si content de vous en toutes manières ; et de celle en particulier dont vous vous êtes acquitté de votre ambassade auprès de moi, que je veux vous donner des marques de ma satisfaction, de mon estime et de mon amitié. Je vous fais grand d’Espagne de la première classe, vous et en même temps celui de vos deux fils que vous voudrez choisir pour être grand d’Espagne et en jouir en même temps que vous ; et je fais votre fils acné chevalier de la Toison d’or. » Aussitôt je lui embrassai les genoux, et je tâchai de lui témoigner ma reconnoissance et mon désir extrême de me rendre digne des grâces qu’il daignoit répandre sur moi, par mon attachement, mes très humbles